Gabriel Bauret

crobaties et autres fantaisies
Le mot fantaisie appartient à cette riche famille dans laquelle figurent fantasque, fantasme, ou fantastique; il désigne aussi ce genre musical dont la forme est libre et constitue une échappée en
marge des règles de composition traditionnelles.
Hicham Benohoud est un esprit fantasque : il faut de l’imagination et de l’audace pour demander aux habitants d’une maison s’ils acceptent que l’on perce des trous dans leurs murs et leurs sols, afin de laisser dépasser des mains, des pieds ou encore des visages. À l’ère du numérique où tout devient visuellement possible, où les frontières entre le réel et l’imaginaire sont de plus en plus poreuses, où le vrai et le faux se confondent, Hicham Benohoud résiste à la tentation de la retouche et de l’arrangement: il tient à ce que l’image montre les choses exactement comme elles se sont passées.
De même qu’il ne s’agit pas d’un décor de théâtre, ce sont de vrais habitants de Marrakech et non des comédiens qui émergent des trous. Et à l’issue des prises de vue, les intérieurs de ces maisons
reprennent leur aspect habituel, la vie reprend son cours. Mais quel sens revêt alors ce projet artistique, cette parenthèse qui ne doit pas se résumer à une simple performance technique ou physique ? La question se pose également à propos de la série des acrobaties : ces personnages rencontrés sur la place de Marrakech et qu’Hicham Benohoud invite à revenir chez eux, parmi leur famille, pour rejouer leur numéro devant son appareil photographique. Au-delà de l’esprit ludique qui les anime, ces scènes ont d’autres résonances. Elles semblent emprunter les recettes de construction d’un monde merveilleux, associer le percement des trous et le spectacle des acrobates à l’idée d’évasion et de dépassement de soi. Mais tout n’est en fait qu’humble parodie et le monde réel revient en force.
Gabriel Bauret
Commissaire d’exposition
2017

No Comments

Post A Comment